David Dufresne : le média 07/01/2019,
Gilets jaunes : des violences policières jamais vues


à 5 min 20 : L'idée c'était après la guerre, on arrête de viser la foule, grosso modo. On arrêtait de viser la foule, la police ne vise plus la foule. Or, ce à quoi on asssiste aujourd'hui, qu'on avait déjà vu pendant la loi travail, mais qu'on voit maintenant de manière massive, c'est une police totalement déchainée, totalement déchainée. Moi j'ai des commandants de CRS qui m'appellent anonymement, enfin anonymement je les connais, mais je ne donnerai pas leur nom, qui sont effarés de ce qui est en train de se passer. On va entrer dans les détails. Donc on a un basculement avec un nombre d'interpellations, un nombre de blessés, de mutilés qui est totalement jamais vu. On va dire : « Oui, mais il y a beaucoup de manifestations etc.. Tous les samedis, acte 1,2,3,4 etc... Il faut savoir qu'en Allemagne, par exemple, il y a des manifestations qui sont autrement plus dures, où il y 0 blessé, ou quasiment 0 blessé


à 11 min 35 : Les forces de l'ordre, dans un pays démocratique, ont des règles, ont une déontologie, ont une doctrine d'emploi des armes. Il y a tout un déploiement, il y a un mode d'emploi : c'est assez considérable. Par exemple, quasiment personne ne le sait, mais quand quelqu'un est atteint par un tir de Flashball ou de LBD, la police doit s'inquiéter de l'état de santé de cette personne, et doit aller chercher cette personne. Donc, c'est pour ça que parfois on ne comprend pas pourquoi des policiers viennent voir quelqu'un qui est à terre, mais en fait, c'est pour s'inquiéter de, voilà et ça obéit à une déontologie. Les images qu'on vient de voir, à priori, je dis à priori, parce que la justice doit passer, les signalements doivent être faits, la police des polices doit être saisie, et là, à priori dans tous les exemples qu'on montre la déontologie explose en plein vol.


à 20 min 50 : le Défenseur des droits recommande l'interdiction du LBD et il la recommande notamment quelque soit l'unité susceptible d'intervenir, et là, c'est extrêmement important parce que dans les recensions des vidéos que je fait sur Twitter, ce à quoi on assiste le plus souvent, c'est que les tirs de flashball, de LBD etc... sont le fait de la sécurité publique. C'est à dire des gens de commissariat à qui on dit : « le samedi, tu vas faire du maintien de l'ordre », des gens de la BRI, des gens de la BAC, dont certains CRS me disent qu'ils sont en guerre, notamment dans les cités, les gens de la BAC sont en guerre. Et je peux vous dire que dans les rangs de certaines compagnies de CRS, pas toutes, mais certaines, vous avez des commandants qui refusent, y compris à Paris, y compris pendant les Actes, de faire le maintien de l'ordre côte à côte avec ces gens là. Donc ils disent à la sécurité publique, toi, tu prends le trottoir de droite, moi je prends le trottoir de gauche. Pourquoi ? Parce que des gens, dont le métier, par exemple la BAC, est d'interpeller, de faire ce qui s'appelle du saute-dessus. Donc d'être dans une logique extrêmement violente, parfois pour des raisons légitimes, c'est à dire qu'ils ont en face d'eux des délinquants, des malfaiteurs etc... se retrouvent en manifestation et agissent de la même manière, pensant que le manifestant est forcément un malfaiteur, est forcément etc...


à 33 min 30 : Ca fait un mois et demi que je travaille sur les violences policières, je pense qu'il y a des gens qui travaillent sur les manifestants violents, mais on voit bien qu'il y a une idée extrêmement univoque et unilatéral et grosso-modo le message global est unilatéral, est univoque. Or cette façon de travailler, cette façon de diriger le débat empêche a compréhension. Je veux dire, si on ne veut pas voir qu'il y a des milliers de blessés, qu'il y a des dizaines de personnes qui ont perdu œil, main, etc... ca n'était jamais arrivé ! Pourquoi ce fait est occulté ? Alors que vous avez des sociologues de la police comme O. Filieule, F. Jobard, S Roché, qui travaillent ces questions depuis des années, qui font des tribunes dans le monde, qui expliquent comment en Europe, la désescalade est l'alpha et l'oméga des forces de l'ordre, sauf en France, en France aujourd'hui, on est dans une escalade. Je m'étonne quand même qu'autour d'Emmanuel Macron ou de Castaner, il n'y ait pas quand même des gens pour expliquer que cette confrontation ne peut pas amener...de... … Elle est terrible, elle est terrible, elle est terrible


 

 

 

Philippe Franceschi sur boulevard Voltaire 25/03/2019

J’ai assisté avec étonnement puis effarement, en direct à la télévision, à la charge policière qui a gravement blessé une manifestante de 74 ans à Nice, samedi dernier. Cette action confirme les risques observés depuis quatre mois à employer des unités de police peu formées et mal encadrées pour cet exercice très délicat qu’est le maintien de l’ordre, affaire de professionnels. Mes sept ans d’expérience de commandement d’escadrons de gendarmerie mobile m’autorisent à donner un éclairage technique sur ce qui s’est passé à la vue d’images très claires et parlantes diffusées sur les médias d’information.

La situation calme des lieux ne nécessitait manifestement pas d’effectuer une charge afin de disperser quelques dizaines de manifestants, même si les sommations ont bien été faites réglementairement, en direct aussi. Je n’ai pas remarqué, non plus, d’hostilité ou de nervosité de la part des premiers rangs de manifestants, peu nombreux, à l’égard des policiers.

Entendons-nous, il ne s’agit pas de remettre en cause la légalité de l’emploi de la force, qui a été faite réglementairement après sommations, mais de la légitimité et de la proportionnalité de la force employée. Le chef qui en a donné l’ordre en porte la responsabilité ainsi que le préfet, si celui-ci lui a donné l’ordre de le faire.

Un des grands principes de notre doctrine du maintien de l’ordre est la proportionnalité de l’emploi de la force légitime. Celle-ci ne s’imposait pas, samedi dernier, à Nice, aux abords de la place Garibaldi. La situation calme nécessitait d’effectuer ce que l’on appelle une “vague de refoulement”, c’est-à-dire que le rang de boucliers avance lentement, en ligne, en ordre et en refoulant “en douceur” les manifestants, mais certainement pas une charge. Le calme des troupes et du chef est nécessaire dans une telle situation, et non l’excitation. Or, le chef a manifestement manqué de discernement et de calme, sans doute par manque de formation et de compétence, ce qui a entraîné cette erreur de jugement. En effet, l’unité employée, une compagnie d’intervention de la police nationale dont la mission première et unique n’est pas le maintien de l’ordre, n’était pas constituée de professionnels du maintien de l’ordre. Les sommations du commissaire de police, précédant la charge, étaient irresponsables devant une foule calme. Voilà ce qui arrive quand on emploie des unités non professionnelles du maintien de l’ordre. Seuls les escadrons de gendarmerie mobile (EGM) et les compagnies républicaines de sécurité (CRS) sont des professionnels du maintien de l’ordre.

Cet « accident » de maintien de l’ordre est aussi la conséquence de l’ordre ministériel de Christophe Castaner de ne pas hésiter à employer la force, sous-entendu : vous pouvez y aller, vous serez soutenus. On le sait, à ses yeux, les gilets jaunes restants sont tous des factieux. En ce sens, les propos du ministre de l’Intérieur sont aussi irresponsables car n’ayant pas différencié le traitement à infliger aux manifestants par rapport à celui des casseurs.

Devant la généralisation du mouvement des gilets jaunes depuis dix-neuf semaines sur l’ensemble du territoire, on comprend bien qu’il faille faire appel à des unités de ce type, mais le mouvement devant s’inscrire dans la durée tant que des décisions politiques ne seront pas prises, il est urgent d’améliorer le niveau de formation au maintien de l’ordre de ces compagnies d’intervention. Il en va de même pour les ordres donnés aux nouvelles unités anti-casseurs baptisées BRAV (brigades de répression de l’action violente) afin qu’elles s’imbriquent harmonieusement avec l’action des EGM et des CRS. Sinon, il faut s’attendre à d’autres débordements de ce type, les mêmes causes produisant les même effets.

L'intervention graduée en RO

d'après livret MO élève GM


A mesure qu'on va vers le bas, la violence de l'adversaire augmente jusqu'à ouverture du feu


déploiement tenue MO

canalisation tenue MO

déploiement tenue RO

canalisation tenue RO

vague de refoulement

BAFF défense ferme avec bâtons

bond offensif

grenade à main lacry

fourgon-pompe (eau ou mélange)

charge (contact physique)

grenades lacry lanceur 40 ou 56

grenades explosives à main ou par lanceur 40 ou 56

projectiles déformables 40%44

fusil de précision 7,62 otan



Lexique

MO (maintien de l'ordre) : correspond à un engagement de faible intensité, visant à maintenir un ordre déjà établi.

RO (rétablissement de l'ordre) : correspond à un engagement de moyenne, haute, très haute intensité, visant à faire cesser les troubles à l'ordre public dans un environnement pouvant aller jusqu'à des situations particulièrement dégradées et nécessitant alors le recours à des moyens particuliers ;
tenue MO : calot, tenue RO : casque

BAFF : barrage d'arrêt fixe ferme

EF : emploi de la force
UA : usage des armes


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