.

Carte de l'époque

Les sept piliers de la sagesse

T. E. Lawrence

 

 

Extrait du chapitre I


L'Arabe était continent par nature, et l'universalité du mariage avait quasiment aboli les conduites irrégulières dans ses tribus. Les femmes publiques des rares installations que nous rencontrâmes durant nos mois de vagabondage n'auraient été rien pour notre nombre, même si leur viande rebattue avait été consommable par un homme sain. Par horreur d'un commerce si sordide nos jeunes gens commencèrent indifféremment à assouvir leurs rares besoin mutuels dans leurs propres corps immaculés - froide commdité qui, en comparaison, semblait asexuée et même pure.
Plus tard, certains se mirent à justifier ce procédé stérile, et juraient que des amis frémissant ensemble dans le sable meuble, leurs membres chauds intimement mêmés en un enlacement suprême, trouvaient là, caché dans les ténèbres, un concomitant sensuel de la passion mentale qui soudait nos âmes et nos esprits dans un seul effort embrasé. Plusieurs, ayant soif de punir des appétits qu'ils ne pouvaient entièrement prévenir, trouvaient une fierté à dégrader le corps, et s'offraient furieusement à toute pratique qui promettait de la douleur physique ou de l'ordure.

 

 

Sur la personnalité de Laurence d'Arabie, il y a un livre de Vincent Mansour Monteil, qui m'a remonté le moral et donné envie d'aller là-bas.

 

Pour voir une photo de Pétra, cliquez ici

.

Extrait du chapitre CXVII


(Tafas 1) Le village restait immobile sous ses volutes de fumée blanches pendant que nous approchions, sur nos gardes.Quelques amas grisâtres semblaient se cacher dans les herbes hautes, étreignant le sol à la façon étroite des cadavres. Nous détournions les yeux de ceux là, sachant qu'ils étaient morts, mais une petite silhouette s'éloigna de l'un en chancelant, comme pour nous échapper. c'était une enfant, de trois ou quatre ans, dont la robe sale portait une tache rouge sur l'épaule et le coté, le sang d'une blessure large et profonde, peut-être un coup de lance, juste à la naissance du cou.
L'enfant courut quelques pas, puis s'arrêta et nous cria avec une force étonnante (tout était silencieux aux alentours) : "ne me frappe pas, Baba". Abd el-Aziz, étouffant quelques chose - c'était son village et elle pouvait être de sa famille - se jeta à bas de son chameau et, trébuchant, tomba à genous dans l'herbe à coté de l'enfant. ce mouvement subit effraya l'enfant, elle leva les bras et essaya de hurler ; mais elle s'effondra en un petit tas, le sang jaillissant à nouveau sur ses vêtements ; puis, je pense, elle mourut.
Nous dépassâmes d'autres corps hommes, femmes, et quatres autres bébés morts, l'air très souillés, allant vers le village dont le silence, nous le savions maintenant, signifiait mort et horreur. Aux abords se trouvaient des murs bas de pisé, des parcs à moutons, et, sur l'un, quelque chose de rouge et blanc. Je m'approchai et vis que c'était le corps d'une femme plié en travers du mur, à plat ventre, cloué sur place par une baïonnette-scie dont la pognée se dressait en l'air de façon hideuse entre les jambes nues. Elle était enceinte, et autour d'elle en gisaient d'autres, peut-être vingt en tout, tuées de diverses manières, mais toujours présentées avec un goît obscène.

[...]

Nous rassemblâmes les paysans, maintenant ivres de peur et de sang et les envoyâmes de part et d'autre de la colonne en retraite. Le vieux lion de bataille s'éveillait dans le coeur d'Aouda et faisait à nouveau de lui notre chef naturel, inévitable. Par une manoeuvre habile, il poussa les turcs sur un mauvais terrain et sépara leur formation en trois.

 

retour à l'accueil

 

 

.

. (Tafas 2) La troisième partie, la plus petite, se composait principalement de mitrailleurs allemands et autrichiens, regroupés autour de trois automobiles, et d'une poignée d'officiers et de soldats montés. Ils se battirent magnifiquement, repoussant chaque fois nos assauts, malgré leur vigueur. Les Arabes combattaient comme des diables, aveuglés de sueur, la gorge desséchée par la poussière ; la flamme de cruauté et de vengeance qui brûlait en eux les tordait tant que leurs mains pouvaient à peine tirer. Sur mon ordre, nous ne prîmes pas de prisonniers, pour la première fois de notre guerre.
Finalement, nous laissâmes en arrière cette section vigoureuse, et partîmes à la poursuite des deux autres, plus rapides. elles étaient en pleine panique et, au coucher du soleil, nous les avions entièrement détruites, sauf de petits groupes à qui leurs pertes seules permettaient de gagner du terrain. Des flots de paysans se joignaient à nous. Au début, ils n'avaient qu'une arme pour cinq ou six ; puis l'un gagnait une baïonnette, un autre une épée, un troisième un pistolet. Une heure plus tard, ceux qui étaient arrivés à pied montaient des ânes. Ensuite, chaque homme disposa d'un fusil et d'un cheval capturé. A la tombée de la nuit, les chevaux étaient chargés de butin, et la riche plaine se jonchait d'hommes et d'animaux morts. Dans une folie engendrée par l'horreur de Tafas, nous tuions encore et encore, cassant la tête des hommes tombés, et des bêtes ; comme si leur mort, le jaillissement de leur sang, pouvait étancher notre souffrance.
.

 

(Tafas 3) Un seul groupe d'Arabes, qui n'avait pas reçu notre message, fît prisonniers les deux cents derniers hommes de la section centrale. Leur répit fût bref. Je m'étais approché pour me renseigner, plutôt disposé à laisser vivre ces rescapés, mais, derrière eux, un homme allongé sur le sol cria quelque chose aux arabes qui, blêmes, m'amenèrent voir. C'était l'un de nous - la cuisse déchiquetée. Le sang s'était répandu sur le sol rouge, et il en mourait ; mais même ainsi, il n'avait pas été épargné. Selon la mode du jour de cette bataille, on l'avait encore tourmenté en lui plantant des baïonnettes dans l'épaule et l'autre jambe, le clouant au sol comme un insecte de collection.
Il était pleinement conscient. Quand nous lui demandâmes : "Hassan, qui a fait cela ?" il désigna des yeux les prisonniers, désespérément blottis les uns contre les autres, brisés. Ils ne dirent rien avant que nous ouvrions le feu. Le tas qu'ils formaient cessa finalement de bouger ; Hassan était mort ; nous remontâmes en selle et rentrâmes lentement à la maison (la maison, c'était mon tapis, à trois ou quatre heures de là, à Sheik Saad) dans l'obscurité si froide, maintenant que le soleil s'était couché.


retour à l'accueil
la volonté de vivre

 

.