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En général, les ouvriers révolutionnaires
que la presse nommait les meneurs en les présentant comme
des illuminés ou des bandits, étaient d'habiles
professionnels. Ils appartenaient à l'élite ouvrière.
A Lyon, tous se connaissaient.[....]
Un an passa. L'échec d'une grève
générale marqua le déclin du mouvement
ouvrier après les remous révolutionnaires d'après
-guerre. On étaient déjà loin des fièvres
de 1919. J'avais le cafard. J'étais trop tôt entré
dans la vie consciente, j'avais trop lu, j'étais trop
sorti. L'atelier mal aéré, obscur, était
aussi très déprimant. A l'étau, je ruminais
des idées noires. Des doutes me gagnaient. Je ne parvenais
pas à croire la transformation de la société
bourgeoise en société communiste libertaire.
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J'avais beau me dire que l'église avait commencé
par une poignée d'apôtres, je restais duloureusement
sensible au fait que la propagande anarchiste ne touchait qu'un
bien petit nombre d'hommes, à la faiblesse du petit groupe
que j'approchais. Je voyais encore de bons vieux jours à
la société bourgeoise mourante. Mais plutôt
que de vivre résigné, de reproduire l'existence
de mon père, je préférais mourir. Maintenant,
je savais.
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L'individu n'est pas un but à lui-même. Si
la vie de l'homme enchevêtrée à celle de
la femme peut être parfois pénible, la vie sans
amour, sans femme, donne à celui qui la vit le sentiment
que son existence est absurde.
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Il faut que la douleur d'usine profite à quelqu'un
qu'on aime, la mère, les enfants ou la femme. La
vie est inaceptable si l'on ne souffre que pour soi-même.
Pour vivre sans femme et mener l'existence d'usine, il faut
plus que le travail, la camaraderie au travail, les amitiés,
il faut la communion dans une cause vivante, cette camaraderie
des militants dans les périodes de foi révolutionnaire,
avec ce sentiment qu'une existence engagée par l'espoir
et par la lutte est utile, qu'elle n'a plus à essayer
de se justifier.
Collection FOLIO n°1156
en vente à la
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