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Les réquisitions

A la page fonction publique des origines à 1950, on a vu que la puissance publique a mis longtemps avant d'être responsable de ses erreurs ayant causé des préjudices aux particuliers, voici un autre exemple de puissance de l'Etat : les réquisitions.

Réquisition : Opération par laquelle l'Administration exige d'une personne ou d'une collectivité soit une prestation d'activité, soit la prestation ou la remise de biens (mobiliers ou immobiliers).

   

 De logements (dernière utilisation vers 1995)

loi L642-1 du Code de la Construction et de l'Habitation , issue de l'ordonnance n° 45-2394 du 11 octobre 1945 (version en vigueur en 2005)

Afin de garantir le droit au logement, le représentant de l'Etat dans le département peut réquisitionner, pour une durée d'un an au moins et de six ans au plus, des locaux sur lesquels une personne morale est titulaire d'un droit réel conférant l'usage de ces locaux et qui sont vacants depuis plus de dix-huit mois, dans les communes où existent d'importants déséquilibres entre l'offre et la demande de logement au détriment de personnes à revenus modestes et de personnes défavorisées.

La réquisition donne la jouissance des locaux à un attributaire, à charge pour lui de les donner à bail à des personnes bénéficiaires visées à l'article L. 642-5.[ressources inférieures à un certains plafond]

La réquisition ouvre le droit pour l'attributaire de réaliser des travaux, payés par lui, de mise aux normes minimales de confort et d'habitabilité. L'attributaire informe le titulaire du droit d'usage de la nature des travaux et de leur délai d'exécution ; il lui communique le tableau d'amortissement du coût de ces travaux.

Par dérogation au premier alinéa, lorsque l'importance des travaux de mise aux normes minimales de confort et d'habitabilité le justifie, la durée de la réquisition peut être supérieure à six ans, dans la limite de douze ans.

Les locaux régulièrement affectés à un usage autre que l'habitation peuvent, à l'expiration de la réquisition, retrouver leur affectation antérieure sur simple déclaration.

Version en vigueur en 2006 : pour une durée maximum d'un an renouvelable et pour loger des SDF ou des personnes en instances d'expulsion.

Ce pouvoir de réquisition peut être exercé par le maire en cas d'urgence et à titre exceptionnel, lorsque le défaut de logement d'une famille expulsée est de nature à apporter un trouble grave à l'ordre public.

Des terrains peuvent également être réquisitionnés pour installer des hébergements provisoires (art L614-1 du CCH, utilisé pendant la guerre d'Algérie)

 

En cas de voies de faits (le préfet envoie la force publique pour réquisitionner), le juge judiciaire peut être compétent pour apprécier la légalité de l'acte administratif (s'il existe..)
   

 De fonctionnaires administratifs (dernière utilisation en 2009, grippe H1N1)

art. L3131-8 du code la santé publique (version en vigueur en 2009)

Si l'afflux de patients ou de victimes où la situation sanitaire le justifient, le représentant de l'Etat dans le département peut procéder aux réquisitions nécessaires de tous biens et services, et notamment requérir le service de tout professionnel de santé, quel que soit son mode d'exercice, et de tout établissement de santé ou établissement médico-social dans le cadre d'un dispositif dénommé plan blanc élargi. Il informe sans délai le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation, le service d'aide médicale urgente et les services d'urgences territorialement compétents et les représentants des collectivités territoriales concernées du déclenchement de ce plan.

Ces réquisitions peuvent être individuelles ou collectives. Elles sont prononcées par un arrêté motivé qui fixe la nature des prestations requises, la durée de la mesure de réquisition ainsi que les modalités de son application. Le représentant de l'Etat dans le département peut faire exécuter d'office les mesures prescrites par cet arrêté.

L'indemnisation des personnes requises et des dommages causés dans le cadre de la réquisition est fixée dans les conditions prévues par le chapitre IV du titre III du livre II de la deuxième partie du code de la défense [L2234-7]. Cependant, la rétribution par l'Etat de la personne requise ne peut se cumuler avec une rétribution par une autre personne physique ou morale.

Les personnes physiques dont le service est requis en application du premier alinéa bénéficient des dispositions de l'article L. 3133-6.

En cas d'inexécution volontaire par la personne requise des obligations qui lui incombent en application de l'arrêté édicté par le représentant de l'Etat, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue peut, sur demande de l'autorité requérante, prononcer une astreinte dans les conditions prévues aux articles L. 911-6 à L. 911-8 du code de justice administrative.

C'est au vu de ce texte que des agents des finances publics ont été réquisitionnés fin 2009 pour travailler à l'accueil des centres de vaccinatiion.

 

Pour rire, voici le L2234-8 du code de la défense

Le logement des troupes, en cas de passage, de rassemblement, de détachement ou de cantonnement, donne droit à l'indemnité, conformément à l'article L. 2221-4 , sauf les exceptions suivantes :
1° Le logement des troupes de passage chez l'habitant ou leur cantonnement pour une durée maximale de trois nuits dans chaque mois, ladite durée s'appliquant indistinctement au séjour d'un seul corps ou de corps différents chez les mêmes habitants ;
2° Le cantonnement des troupes qui manoeuvrent ; 3° Le logement chez l'habitant ou le cantonnement des troupes rassemblées dans les lieux de mobilisation et leurs dépendances pendant la période de mobilisation dont un décret fixe la durée.

   

 De salariés du privé (dernière utilisation en 2010)

art. L2215-1 du code général des collectivités territoriales

La police municipale est assurée par le maire, toutefois :

1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques.
Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l'Etat dans le département à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au maire restée sans résultat ;

2° Si le maintien de l'ordre est menacé dans deux ou plusieurs communes limitrophes, le représentant de l'Etat dans le département peut se substituer, par arrêté motivé, aux maires de ces communes pour l'exercice des pouvoirs mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 2212-2 et à l'article L. 2213-23 ;

3° Le représentant de l'Etat dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune ;

4° En cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d'entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées.
L'arrêté motivé fixe la nature des prestations requises, la durée de la mesure de réquisition ainsi que les modalités de son application.
Le préfet peut faire exécuter d'office les mesures prescrites par l'arrêté qu'il a édicté.

La rétribution par l'Etat de la personne requise ne peut se cumuler avec une rétribution par une autre personne physique ou morale. La rétribution doit uniquement compenser les frais matériels, directs et certains résultant de l'application de l'arrêté de réquisition.
Dans le cas d'une réquisition adressée à une entreprise, lorsque la prestation requise est de même nature que celles habituellement fournies à la clientèle, le montant de la rétribution est calculé d'après le prix commercial normal et licite de la prestation.
Dans les conditions prévues par le code de justice administrative, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue peut, dans les quarante-huit heures de la publication ou de la notification de l'arrêté, à la demande de la personne requise, accorder une provision représentant tout ou partie de l'indemnité précitée, lorsque l'existence et la réalité de cette indemnité ne sont pas sérieusement contestables.

En cas d'inexécution volontaire par la personne requise des obligations qui lui incombent en application de l'arrêté édicté par le préfet, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue peut, sur demande de l'autorité requérante, prononcer une astreinte dans les conditions prévues aux articles L. 911-6 à L. 911-8 du code de justice administrative.

Le refus d'exécuter les mesures prescrites par l'autorité requérante constitue un délit qui est puni de six mois d'emprisonnement et de 10 000 euros d'amende.

Cer article a été modifié par la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure et la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

 

le vendredi 22 octobre 2010, 170 grévistes de grandpuits sont réquisitionnés pour rouvrir le dépôt de carburant, les gendarmes mobiles entrent de force, le dépôt est débloqué.

Suite à un recours en référé des syndicats pour contester la réquisition de la raffinerie, tard dans la soirée, le tribunal administratif de Melun suspend la réquisition au motif que la quasi totalité des effectifs ont été réquisitionné, ce qui constitue une atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève.

Dans l'heure qui suit, le préfet prend un nouvel arrêté de réquisition (5 salariés je crois).

L'état d'urgence entraîne un durcissement des pouvoirs de police au détriment des libertés individuelles, comme la liberté d'aller et venir ou la liberté de réunion. Il autorise également la censure de la presse ou le couvre-feu. Dans le même temps, les prérogatives des autorités administratives sont renforcées.

(décidé par le pouvoir exécutif pour 12 jours, le parlement au-delà, voir constitution
motif atteinte grave à l'ordre public, calamité nationale)

Utilisé en Algérie pendant les "événements", en métropole en 61, en nouvelle calédonie en 84 et en métropole en 2005.

 

 

 

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 De la force publique pas envie d'écrire dessus, juste ça

Pour ceux qui s'intéresse au cadre légal de l'usage des armes en maintien de l'ordre en octobre 2014, c'est là : Sivens, Rémi Fraisse

décret n°2003-952 du 3 octobre 2003 relatif à l'organisation des compagnies républicaines de sécurité (sur legifrance)
avant décret 77-1470 du 28 décembre 1977 (p6363 du JO)

Rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur : loi n° 2009-971 du 3 août 2009 publiée le 6. La gendarmerie est sous l'autorité du ministre de l'intérieur sauf pour ses missions militaires à l'extérieur du territoire national où elle reste à la défense. Depuis, le préfet n'aurait plus de réquisition à faire pour utiliser la gendarmerie mobile pour du maintien de l'ordre sur la voie publique (à vérifier).

art.L. 1321-1 du code de la défense (en vigueur en 2010)
Aucune force armée ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale.
Le premier alinéa n'est pas applicable à la gendarmerie nationale. Toutefois, lorsque le maintien de l'ordre public nécessite le recours à des moyens militaires spécifiques, leur utilisation est soumise à autorisation dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.
Les conditions d'usage des armes à feu pour le maintien de l'ordre public sont définies à l'article 431-3 du code pénal.

Remarques sur les articles L431 et R431 du code pénal :
Il concerne les attroupements sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public. Pour évacuer par la force des occupants illicites d'un lieu privé, il faut nécessairement une décision judiciaire et une demande du préfet, sans cela, les forces de l'ordre n'ont pas le droit d'utiliser la force hors les cas de légitime défense ou d'arrestation.
Le L431 (et la jurisprudence) dit en gros que dès que plusieurs attroupés exercent des violences, mêmes légères sur les forces de l'ordre, elles ont le droit d'utiliser la force, de façon graduée, sur n'importe quel attroupé jusqu'à dispersion.
Les peines prévues ont été considérablement alourdies par la loi n° 2010-201 du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les bandes violentes (vous savez, celle qui ne concernait pas le droit de manifester, mais qui rétablit l'exception de responsabilité pénale du fait d'autrui...).
Les forces de l'ordre ne font que rarement des sommations, elles attendent des violences minimes, je ne crois pas qu'il y ait eu depuis 50 ans quelqu'un de condamné uniquement pour être rester là alors qu'il n'y avait pas eu de sommations réglementaires.

 
   

 Des hommes, des femmes, des biens et des services

Réquisitions pour les besoins généraux de la nation, art L2211 à L2213, partie 2, livre II, titre 1°, ce ne sont pas encore les réquisitions militaires.

La dernière fois qu'il y a eu des réquisitions sous ce motif (ordonnance n°59-147 du 7 janvier 1959 devue L1111 du code de la défense) cela concernait une grève de mineurs en 1963. Les mineurs ne se sont pas soumis aux réquisitions, des fonctionnaires ont rejoint le mouvement etc... Il s'en en suivi une quatrième semaine de congés payés pour de nombreux salariés et une réglementation du droit de grève dans la fonction publique imposant un préavis de grève de cinq jours par un syndicat représentatif.

 

L'état de siège transfère les pouvoirs de police aux autorités militaires, au minimum pour le maintien de l'ordre.

(décidé par le pouvoir exécutif, prolongé par le parlement au delà de 12 jours, voir constitution et code de la défense
motif risque de guerre ou d'insurrection armée)

   

Article 10 de la Loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relatif à l'état d'urgence

L'état d'urgence avait été décrété le 8 novembre 2005, l'article 5 s'appliquait à l'ensemble de la métropole, les articles 6, 8, 9 et 11-1° s'appliquaient à un certain nombre communes ou départements.

Le Décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015 modifiant le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 s'applique à l'ensemble du territoire métropolitain et de la corse, en plus des articles 6, 8, 9 et 11 -1°, il est aussi question de l'article 10 que voici:
La déclaration de l'état d'urgence s'ajoute aux cas visés à l'article 1er de la loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation générale de la nation en temps de guerre pour la mise à exécution de tout ou partie des dispositions de ladite loi en vue de pourvoir aux besoins résultant de circonstances prévues à l'article 1er.

L'article 1er de la loi du 11 juillet 1938 est introuvable sur le web, mais je l'avais déjà cherché quand j'avais fait cette page sur les réquisitions.

Sur le fondement de l'article 10 de la loi du 3 avril 1955, les préfets peuvent procéder à des réquisitions de personnes ou de biens. Ces réquisitions peuvent être effectuées aussi bien en application de la loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation générale de la Nation en temps de guerre, désormais codifiée au livre II du code de la défense, qu'en application de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit la possibilité d'une exécution d'office par l'utilisation de la force publique, une astreinte éventuellement prononcée par le juge administratif sur demande du préfet, voire une sanction pénale, le refus d'exécuter l'arrêté de réquisition constituant un délit puni de six mois d'emprisonnement et de 10 000 euros d'amende.

Légalité de crise et état d'urgence

 

A suivre...